Rencontres à proximité de la ligne ferroviaire

Les Prêles (Equisetum sp.)


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"En regardant un carré de prêles au bord d'un marécage, l'observateur peut facilement s'imaginer qu'il contemple un coin de forêt carbonifère, posé là en miniature."
(Paul Mazliak, biologiste. L'évolution chez les végétaux. 2009)


Grandes prêles (Equisetum telmateia)
Au printemps, jeunes tiges stériles de prêles                        

Parmi les premières plantes qui commencent leur cycle de développement au printemps, çà et là apparaissent des tiges étranges de 1 à 2 cm de large qui colonisent les lieux humides de la commune, les bords du ruisseau "la Mouille". Il s'agit de tiges de prêles.

Le nom générique de la Prêle (Equisetum) signifie crin de cheval. C'est une allusion aux ramifications fines de certaines espèces qui donnent à l'ensemble de la plante l'apparence d'une queue de cheval.
Très riche en silice, elle fut jadis utilisée comme abrasif et était employée fraîche pour récurer les casseroles. La Prêle des tourneurs (Equisetum hyemale) elle, était séchée et servait à polir le bois et le métal.
Elle est utilisée aujourd'hui dans l'agriculture en décoction pour son effet préventif et curatif de nombreuses maladies cryptogamiques. On lui attribue aussi de multiples propriétés médicinales mais son usage, excepté dans la médecine populaire, a été abandonné.


Tiges fertiles de prêles (Equisetum telmateia)Tiges stériles de prêles (Equisetum telmateia)
Jeunes tiges fertiles avec leur épi sporifère au printemps et tiges stériles en fin d'été


La Prêle, une plante envahissante ... et indestructible !

Ah, si au moins les prêles donnaient de jolies fleurs ...! mais ces plantes archaïques en sont dépourvues, tout comme les fougères. Et si certains trouvent la variété japonaise (Equisetum japonicum) très graphique et séduisante au bord d'un bassin, force est de reconnaitre que les prêles sauvages sont considérées comme un fléau, une calamité qu'on préfère observer chez le voisin plutôt que chez soi.
Lors d'une promenade il vous est peut-être arrivé de discerner un îlot de prêles au milieu d'un champ cultivé. Vient alors une question : pour quelles raisons l'agriculteur a-t-il pris soin de le contourner, de ne pas le labourer ?
La réponse, c'est que les rhizomes (les tiges souterraines) de ces plantes sont denses, impressionnants, et qu'un labour ne peut que provoquer leur fragmentation et donc la multiplication des prêles, ce que le cultivateur ne souhaite surtout pas. Ces rhizomes peuvent par ailleurs atteindre une profondeur de 1,50m, voire plus suivant la nappe d'eau en dessous.
Alors pourquoi ne pas éliminer les prêles par traitement ?
Eh bien parce qu'il n’existe pas de produit sur le marché capable de permettre leur éradication, parce que paillis et brûlage sont sans plus d'effets que la lutte chimique, et enfin parce que les spécialistes sont formels : il n’existe à l'heure actuelle aucun moyen de lutte biologique contre ces plantes.

Oui, il faut bien le concéder, les personnes sont nombreuses (jardiniers, cultivateurs ...) à trouver la capacité de survie et le caractère envahissant de la Prêle fort déplaisants !


Botanique, géologie, paléontologie ... pour raconter l'histoire d'une 'vieille plante'.


Fossile de prêle


Pas de fleur, pas de feuille. Le degré zéro de la plante. Et c'est vrai qu'un printemps sans fleur, c'est triste à prêler (1).

De la sympathie pour cette plante, on peut cependant en trouver dans sa "généalogie" car elle est la descendante d'une lignée vraiment impressionnante : elle fait partie des premières plantes présentes sur terre, apparues au Dévonien.

Plantons le décor.
Il y a un peu moins de 400 millions d'années, la terre était couverte par des végétaux de très petites tailles (des joncs d'environ 5 cm) et cantonnés le long des bandes littorales. Apparus quelques années après les algues vertes (à peine 10 millions d'années) et utilisant aussi la photosynthèse, ces petits joncs sont entrés en compétition avec les algues pour capter la lumière du soleil avec le plus d'efficacité possible. Une seule solution pour cela : gagner en hauteur. En compétition aussi entre eux, ils ne cessèrent de grandir.  Ainsi naquirent les arbres.

Ceux-ci sont apparus il y a 380 millions d'années, représentés par trois grandes lignées (il y en avait peut-être d'autres, disparues dans les oubliettes de la préhistoire).

- Il y a la lignée des fougères, avec aujourd'hui encore certaines espèces arborescentes qui peuvent atteindre 15 mètres de haut.

- On trouve ensuite les lycopodes qui ressemblaient à des palmiers. Ce qu'il en reste aujourd'hui paraît presque anecdotique : ce sont les sélaginelles, petites plantes au cycle de développement très lent et qui atteignent quelques centimètres de hauteur.

- Il y a enfin et surtout la lignée des prêles. Nommées calamites, elles formaient des forêts primaires et leurs troncs pouvaient atteindre 20 à 30 mètres de haut.
Nous la retrouvons aujourd'hui sous 2 formes très différentes :

-La première, qualifiée de 'mauvaise herbe', est photographiée et décrite sur cette page. (Les prêles ne sont que des calamites ayant régressé.)
-La seconde c'est ... le charbon puisque ce combustible fossile en est presque essentiellement constitué.



Le "monde vert" ou l'apothéose du végétal.

Au Carbonifère, les continents se rapprochent pour former une masse plus ou moins continue qui deviendra un supercontinent, la Pangée. Elle se constitue de deux grands blocs continentaux, la Laurasie au nord et le Gondwana dans l'hémisphère sud.
La diversification morphologique et taxonomique du monde végétal se poursuit et une végétation dense s'installe. Le Carbonifère est caractérisé par la luxuriance des prêles et des fougères qui, sous un climat chaud et humide, deviennent géantes et arborescentes.
L'énorme biomasse végétale produite sous forme de feuilles et de troncs ne se décomposait pas et s'accumulait dans les eaux stagnantes sous la forme de couches de tourbe. Les périodes d'inondation faisaient chuter les arbres sur ce sol instable.
Plus tard, ces zones ont été recouvertes par les transgressions marines et enfouies en profondeur. Avec l'action de la chaleur qui augmente de 3°C tous les 100 mètres et la pression, cette biomasse s'est transformée en veines d'un combustible fossile, le charbon.

Les prêles. Formation du charbon
Formation du charbon par enfouissement au cours du temps.

a) -Les troncs tombent dans la lagune
b) -La mer recouvre les bassins houillers
c) -Avec l'enfouissement et la pression, la 'carbonification' se poursuit
d) -Les mines permettent l'exploitation des veines de charbon


C'est donc cette végétation fossilisée qui donnera naissance, des millions d'années plus tard, aux bassins houillers et au charbon qui a laissé son nom à la période géologique.
Sans ces immenses dépôts de charbon, l'essor industriel et technologique du XIX° siècle n'aurait pas été possible.

Lac houiller de Blanzy

Jamais la flore n'a été aussi exubérante qu'à cette époque dans l'histoire de notre planète et c'est ce décor qui abritera les premiers tétrapodes : l'histoire de l'évolution des vertébrés terrestres pouvait commencer.
Ce n'est que quelques temps plus tard (environ 120 millions d'années quand-même !) que les premiers dinosaures apparaissent. L'un d'entre eux, un sauropode, nous a laissé un souvenir fossilisé du festin qu'il venait de réaliser. L'étude du fossile, d'origine plus viscérale qu'osseuse ici, nous apprenait que ces herbivores (les plus grands que la Terre ait connus) se régalaient de prêles et de fougères.


Et demain, remplirons-nous les réservoirs de nos véhicules de 'jus de prêles fossilisées' ?

 Le charbon extrait est principalement utilisé pour produire de l’électricité mais la diversité de ses utilisations lui assure une place prépondérante dans le mix énergétique.
Ainsi, ce n'est pas un retour à la machine à vapeur qu'imaginent les scientifiques avec l'utilisation du charbon dans les transports : des techniques thermochimiques permettent aujourd'hui de transformer le charbon en hydrocarbures.
L’évolution et l'amélioration des techniques d’exploration et de transformation du charbon conduiront peut-être à utiliser prochainement le "coal to liquids" (CTL). C'est un procédé transformant le charbon en combustibles liquides qui pourrait permettre de produire entre 340 000 et 400 000 TEP (tonne équivalent-pétrole) par jour d’ici à 2030. (2)



Equisetum telmateia. Coupe d'une tige
Coupe d'une tige stérile
Prélevées en différents endroits de la commune, les tiges stériles de prêles présentent toutes les mêmes caractéristiques :

- Les verticilles de rameaux sont verts avec 8 angles.
- Les tiges sont de couleur blanc ivoire.
- La lacune centrale est importante : environ les 2/3 du diamètre de la tige.

Bien que n'étant pas un botaniste spécialiste des prêles, ces nombreuses observations sur le terrain me conduisent à affirmer qu'une seule espèce est présente sur la commune :
la grande prêle
(Equisetum telmateia)



Sources/Notes

Les photos des plantes ont été réalisées à proximité du tunnel de Champagne et de la lagune.

(1) Prêler : action de poncer, de polir avec une tige de Prêle. (N'est plus usité)
(2) Source : Total.

Le "monde vert" ou l'apothéose du végétal - Source : Biodiversité et évolution du monde végétal (2014). David Garon et Jean-Christophe Guéguen.



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Flore et faune de Culles les Roches
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