Début avril 2018.
Photo réalisée après le broyage d'une partie des buis en zone
Natura 2000.
Sac au dos, pas régulier, je marche vers toi. Le chemin qui
traverse la plaine s’engage maintenant à flanc d’escarpement, sous
les arbres. Un petit suisse crie, puis s’éloigne, bondissant dans
sa légèreté joueuse. Un caillou roule, des feuilles volètent. Sur
la gauche, un filet d’eau murmure. Bientôt un premier cairn ; ces
pierres que j’ai empilées me parlent déjà de toi, mon surplomb. Ces
pierres qui parlent parce qu’elles écoutent.
Impatient, si je le pouvais, je forcerais le pas, je courrais
même. Le chemin monte, le sac pèse ; je garde le rythme tranquille
et sûr que tu m’as enseigné. Pourtant, je voudrais être à tes
pieds. Déjà. Maintenant.
Mais si l’esprit jubile, ne faut-il pas préparer le cœur?
Au premier embranchement, à droite, le chemin se fait
sentier. Plus bas, à travers les arbres, la prairie entrevue. Un
jour de septembre, brouillard et nuages bas la recouvraient. À
mi-hauteur, le soleil. Plus haut, plus loin, le rendez-vous. Il
n’échappe pas à la beauté, celui qui l’a rencontrée.
Je monte.
Deux petits cairns me font signe. Présence fraternelle. Je
quitte le sentier pour prendre une première piste, à travers bois.
Des oiseaux cachés dans un fourré s’envolent pesamment. Des perdrix
sans doute. Les repères que j’ai placés, rubans rouges attachés à
des arbustes, sont là. Il n’y a pas si longtemps, des vandales les
avaient arrachés. Même des cairns avaient été démolis. Tu ne l’as
pas oublié non plus. Pourquoi ces actes destructeurs gratuits,
iconoclastes ? J’ai eu mal. J’ai mal chaque fois que je te vois
souillé par l’être humain. Ce milieu sauvage est mien. Ma
communauté, ma famille.
Tout est harmonie ici, équilibre, beauté. La nature est
parfaite, elle est complète. La connaître et l’aimer, c’est mieux
aimer et grandir. Je suis plus moi-même dans la nature primitive,
non domestiquée. Je me sens plus près de la grandeur des origines,
de la création première. Le vent et la neige, la lumière et les
nuages, l’eau qui cascade, la biche et son faon immobiles, que j’ai
surpris et regardai, admiratif, les corbeaux si bavards, les
bouleaux, les trilliums, les lys martagon, le rocher, oui, le
rocher, autant d’amis chers, devenus indispensables à mes yeux, à
mes narines, à mes oreilles, à mes mains
à mes rêves
à ma vie
à mon amour.
Extrait de
"La montée" dans
"
L'étreinte de la pierre."
Jacques Flamand. (Voir
cette
page)
Mais que vient donc faire un "petit suisse" dans ce texte
?
Jacques Flamand vivait dans l'Ontario à Ottawa, capitale du Canada.
Le Tamia, petit mammifère rongeur de la même famille que les
écureuils et les marmottes, est appelé là-bas petit suisse ou
suisse rayé.
Le Tamia est présent essentiellement en Amérique du Nord. Les
Français qui connaissent cet animal le nomment le plus souvent
- c'est un comble ! -
chipmunk.