Histoire et histoires

Les carrières



I- Les carrières de grès.


 L'exploitation des carrières de grès a donné pendant de nombreuses années une activité importante au village. Pourtant le promeneur n'en découvre que rarement les traces ; les carrières sont situées en lisière de forêt à un endroit qui tourne le dos au village et les voies d'acheminement de la pierre sont essentiellement en forêt.

 Si on est plus attentif on découvre quand même la présence de quelques maisons isolées, au lieu-dit "la Crot", avec divers bâtiments non agricoles. C'est là, à proximité de la gare, que s'est implantée l'entreprise de carrières. Une carte postale ancienne présente même la villa de la direction Connord avec l'appellation de "Bellevue", sans rapport avec la toponymie réelle.
Villa de la direction Connord. Carrières de Culles les Roches
 Plus haut, sur le versant boisé on peut s'étonner de la présence d'un plan incliné rectiligne qui joint le sommet de la colline et les bâtiments de "la Crot". Au milieu du parcours, deux gros piliers massifs en maçonnerie attirent aussi l'attention. Enfin, bien sûr, l'extrémité supérieure du "Plan" (cette appellation est encore largement répandue bien que non officielle) porte les marques de l'extraction de la pierre qui s'y est faite pendant environ un demi siècle : une tranchée énigmatique et surtout, en lisière de "la Bruyère", l'excavation - allongée nord-sud sur 300m environ - où se mêlent maintenant roches, buissons et trous d'eau.

 Il semble que l'on ait commencé à extraire de la pierre à cet endroit de manière systématique à partir de la fin du XIXe siècle, notamment à l'initiative d'un certain Guyot, entrepreneur à Chalon. Installé dans les maisons de "la Crot", il aurait débuté avec des chevaux et des chars qui rejoignaient la gare par le chemin de la "Chemiau" ou, plus tard, par un chemin en lacets tracé sur le versant raide de "Derrière les Vernes". On dit que la pierre a servi à empierrer les routes, tout particulièrement en Bresse, les meilleurs blocs servant à fournir des pavés ou bordures de trottoir pour Paris. Les pavés de médiocre qualité étaient appelés "andouilles" et ils sont à l'origine de la fameuse rue pavée d'andouilles de St-Gengoux le National.

 Vers 1900 un téléphérique a été installé pour transporter la pierre. Une trentaine de bennes de 100 à 150 kg y circulaient, portées et tirées par des câbles. Plusieurs pylônes portaient les câbles et on en voit encore les bases maçonnées au milieu du "Plan".
Un ouvrier était préposé au tourniquet supérieur; il disposait d'un frein à main pour bloquer le mouvement des bennes. C'est lui qui commandait la manœuvre. Quand il lâchait le frein, après avoir entendu la corne de l'ouvrier du bas, tout se mettait en route dans un grand tintamarre, les bennes chargées faisant remonter allègrement les bennes vides. Les bennes pleines étaient dirigées vers les wagons où elles se déchargeaient brusquement.

 Dans la même période, d'autres entrepreneurs extrayaient eux aussi de la pierre, notamment les dénommés Comacle et Cullus ; ce dernier, un Auvergnat venu pour les carrières, tenait aussi un café
(avec jeu de quilles !) dans le bas de Culles . Son entreprise comptait 3 ou 4 personnes dont un bon tailleur de pavés qui avait également un autre don : il jouait de l'accordéon, ce qui mettait de l'animation dans le bas du village une fois le travail achevé ...

 Pour l'exploitation des carrières, des lots étaient attribués à chaque entrepreneur. Ainsi Guyot était au nord sur 150 m, tandis que Comacle exploitait au sud; sa pierre était emportée par chars, notamment ceux d'un charretier des Hermittes.

 Puis vient le moment de la grande exploitation de l'entreprise Connord qui prend la succession de Guyot, sans doute vers le début du XXe siècle.
Le PLM trouvant que les bennes du téléphérique endommagent trop les wagons, on passe au transport de la pierre par wagonnets de 800 à 1000 kg. Pour ce faire, on installe un "Decauville" en ligne droite sur le "Plan" depuis les carrières jusqu'aux bâtiments Connord. Dans le bas, un peu avant la fin du parcours, les rails traversent la route qui relie Culles à St Gengoux. Un tailleur de pierre travaille là, près d'un concasseur, et veille à ce que les wagonnets ne provoquent pas d'accident en traversant la route. Sur le terre-plein tout proche, on stocke les wagonnets attendant le déchargement.

 Le nombre des ouvriers a varié en fonction des années et des saisons. Ainsi les habitants de Culles s'embauchaient volontiers de la fin juillet aux vendanges ou de fin octobre à mars selon le temps libre laissé par les travaux agricoles et selon les besoins de l'entreprise. Il y avait une certaine flexibilité ...

 Certains ouvriers, les "coupeurs", arrachaient la pierre tandis que d'autres la taillaient. Ce deuxième travail, plus délicat, était mieux payé. La taille se faisait sur place ou en bas du "Plan", ce qui évitait alors aux ouvriers habitant Culles d'avoir toujours à monter jusqu'en haut de la Bruyère.
Les "coupeurs" arrachaient les blocs de grès, généralement fissurés et découpés naturellement en blocs irréguliers avec une "pince", grande barre d'acier à l'extrémité biseautée et recourbée. Parfois on avait recours à un explosif déposé au fond de trous de 1 à 2 mètres. Les jours où on procédait ainsi, on évacuait jusqu'à 35 wagonnets de pierre.
Un chef de chantier comptait un par un les pavés jetés dans les chars puis les wagonnets. Les ouvriers étaient payés au pavé, ou bien, pour la pierre brute, par wagonnet. Il fallait 12 à 15 brouettes pour charger (à la main ou à la fourche) les 800 à 1000 kg de chargement de chaque wagonnet.
Pour faciliter le transport, un "Decauville" (voie ferrée étroite) s'avançait jusqu'aux endroits d'où la pierre était extraite. Les wagonnets, sur cette partie plane, étaient tirés par un cheval.

Wagonnet Decauville
Châssis d'un wagonnet Decauville trouvé à Culles les Roches. (04-2017)

Pour se protéger des intempéries ou de l'ardeur du soleil, les ouvriers construisaient des abris en laiches.

Ce travail de façonnage était pénible, mais ce dur labeur apportait en contrepartie un sentiment de fierté chez ces ouvriers du pavé ; ils considéraient avec le plus grand dédain les carriers de Montagny, déclarant que "leur pierre n'était que de la gaude auprès de la leur".
Carrières de Culles les RochesCarrières de Culles les Roches. Tailleurs de pierre
Des problèmes surgirent assez vite dans les carrières en raison de l'eau qui s'y accumulait malgré la position haute du site. On essaya de vider cette eau gênante en creusant une grosse tranchée au nord-est, juste sous le passage du "Decauville". Mais on s'arrêta à 25 m des carrières. Pourquoi ?
On tenta aussi de vidanger avec un siphon, mais le débit était insuffisant. De mémoire d'ouvrier cullois, le "creux de la Brère" - le trou principal où s'accumulaient les eaux - n'a été à sec qu'une seule année.
Cette permanence de l'eau a été une bénédiction pour les petits Parisiens de la colonie St Charles qui en ont fait un lieu de baignade apprécié comme le montre cette ancienne carte postale.
Carrières de Culles les Roches. L'étang bleu
 En 1920, l'entreprise Connord comptait 30 ouvriers (le maximum fut de 40). La dernière adjudication de fourniture de pavés a bénéficié à la ville de Digoin, en 1936.
Il semble que la fin de l'activité de l'entreprise a eu lieu lors de la 2eme guerre mondiale.

II- La carrière de calcaire. (Rocher d'escalade)

  A la différence des carrières de grès, les renseignements ou documents concernant cette carrière sont peu nombreux.
Sans doute ouverte depuis longtemps, (au XVIIIe ?) on y extrayait des pierres à bâtir. Elle a surtout été exploitée pendant la construction du tunnel et du viaduc, même si les belles pierres de taille utilisées pour ces ouvrages provenaient d'autres exploitations.
Les procès qui ont eu lieu lors de la construction du viaduc (et qui ont laissé des traces comptables et administratives dans les archives) évoquent des contrats avec des exploitants antérieurs à cette période.
Les travaux de la voie ferrée achevés, des personnes du village ont continué d'exploiter le site de manière individuelle et ponctuelle pendant quelques années.

  La carrière fait aujourd'hui la joie de nombreux grimpeurs de la région. (Sur cette photo de 2011, des élèves du collège Copernic de Saint Vallier)
Carrière de calcaire à Culles les Roches. Escalade

On peut penser que ces 2 carrières, certainement en activité au XVIIIe siècle (?), étaient alors soumises à une des règles bien établies à l'époque des corporations : celle des Carrières et Ouvriers du Pavé, relevant au sommet d'un Maître Général des Ouvriers du Pavé, des Bâtiments, Ponts et Chaussées de France, charge créée par édits royaux en 1645 et 1681.

   Les textes de cette page sont librement extraits (en partie ou en totalité, avec ou sans modifications ou ajouts d'autres textes) du bulletin du syndicat d'initiative de Culles les Roches, avec l'aimable autorisation de M. Bernard Veaux.


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