Histoire et histoires

La grotte


Extrait de "LA PHYSIOPHILE" N° 50 - Mai 1959

Note sur les stations et vestiges préhistoriques de la côte chalonnaise
trouvés à Chenôves, Saules et à l'est de Culles les Roches.
Par l'abbé E. Guillard.


Les personnes intéressées par la totalité des travaux de l'abbé Guillard peuvent contacter "La Physiophile" à Montceau les Mines pour emprunter les n° 50 (mai 1959, p. 2-15), et n° 52 (juin 1960, p. 5-16) de cette revue.
url : http://www.physiophile.fr/

LA STATION DE CULLES-LES-ROCHES


  C'est en 1934 que nous avons commencé à nous intéresser à cette station. Nous savions que sa première fouille connue avait été effectuée vers 1865  par Landa, imprimeur à Chalon-sur-Saône, aidé par Dunoyer, le propriétaire. Nous savions aussi qu’en 1919 ou 1920, Mazenot, le fouilleur de Solutré, envoyé par les Facultés de Lyon avait ouvert une tranchée dans le terrain situé au bas de l’escarpement. Nous savions encore que de très nombreux chercheurs autorisés, mais surtout clandestins, avaient gratté sans méthode un peu partout. Mais nous ignorions tout des résultats de ces fouilles, et cela s'expliquait. A part une petite collection conservée par Dunoyer, Landa avait emporté à Chalon toutes leurs trouvailles : des caisses de silex et d'ossements (on parlait autrefois de 15 ou 18 (?) caisses). Par malheur, tout ce riche butin avait été détruit avec les notes de fouilles par un incendie. D'autre part, nul ne savait ce qu'avait pu devenir la collection Dunoyer. Et rien n’avait jamais été publié sur ces premières fouilles. Quant aux secondes, Mazenot avait dû les interrompre alors qu'elles venaient à peine de commencer. Il n'avait emporté que très peu de silex et encore ils étaient si peu caractérisés que Lyon n'avait pas jugé utile de les publier ; on avait pensé qu'il pouvait s'agir de magdalénien (renseignement Mazenot).

  Notre but primitif était bien modeste. Nous regardions la station comme épuisée et nous voulions seulement rechercher dans les déblais Landa quelques pièces qui mieux que des figures de livres, nous apprendraient à connaître ce qu'étaient les silex taillés.

C'est dans la grotte même que nous sommes allés tout d’abord.
  Dans la salle d'entrée, il y avait encore une couche de terre pulvérulente, noirâtre, d`épaisseur variable, mais ne dépassant jamais 60 cm. ; on se rendait compte qu`elle avait été maintes fois retournée. Sur les parois, on trouvait par endroits, jusqu'à 1,60 m des traces de brèche renfermant des débris de silex et d'os. On avait donc sorti de la grotte un nombre considérable de mètres cubes de remblais; or, nous n'en trouvions pas trace dehors ni sous forme de monticule, ni sous forme de couche noirâtre à la surface-du sol.

Carte postale grotte de Culles les RochesUn problème se posait.
La fouille méthodique du remblai de la grotte nous aida à le résoudre au moins en partie. Elle nous fournit en effet non seulement des débris de poteries romaines, mais aussi un denier de Julia Mamaea (+ 235) en parfait état de conservation. La grotte avait donc été partiellement déblayée bien avant Landa, par les Gallo-Romains, vers le milieu du IIIème siècle et le terrain sorti par eux ne devait pas être loin. Ayant ouvert au pied de la grotte une tranchée parallèle à celle de Mazenot, nous avons rencontré sous quelque 80 cm. de terre jaunâtre, descendue du plateau, une couche noirâtre dont Mazenot nous avait signalé l'existence, qu'il n'avait guère pu qu'apercevoir et qu'à première vue il avait pris pour la couche préhistorique. En réalité, elle est constituée par les déblais romains ce qu'établissent nettement les débris de tegulae et de poteries qu'elle renferme. Au dessous, on retrouve par endroits un sol analogue à celui qui la recouvre et par endroits un cailloutis dû à un effritement de la falaise. De ci de là quelques silex jusqu'à 1,60m. où nous nous sommes arrêtés sans avoir rencontré la couche préhistorique.

Pour les déblais Landa, nous sommes réduits à des hypothèses.
Nous ne pensons pas qu'ils aient été très importants ; peut-être ont-ils été transportés et étalés afin d'en amender le terrain dans le petit champ à l'ouest de la grotte (autrefois on y trouvait en surface des silex assez nombreux), peut-être s'en est-on débarrassé par l'ouverture qui existe dans le rocher fermant a gauche la terrasse de la grotte. Si le temps ne nous avait manqué, nous aurions cherché au bas de cette ouverture, car il est possible que les occupants de la grotte aient évacué par elle une partie de leurs détritus; maintenant des recherches n'y sont plus guère possibles, car M. Veau, le propriétaire actuel a fait jeter là tout ce qu'il a dernièrement sorti en dégageant le fond stérile de la grotte pour des recherches d'eau.

  De tout ceci, on peut conclure : 1° que Landa n'ayant plus trouvé dans la grotte que les couches inférieures n'a guère dû rencontrer que les silex les plus anciens (chose qui ne pourra être prouvée que si l'on peut remettre la main sur la collection Dunoyer) ; 2° que c'est en dehors de la grotte que devaient se trouver depuis des siècles la plupart des silex les moins anciens. Ceci, les faits semblent bien le prouver : les trouvailles de Mazenot en 1929 semblaient magdaléniennes ; nos silex du paléo supérieur proviennent presque tous soit du champ ouest où nous supposons qu'a été transporté ce que Landa avait trouvé en surface dans la grotte, soit surtout du terrain en bas de l’escarpement ; là, une petite cuvette naturelle du sol (2 m. x3 x0,50), située près de la paroi avait retenu des déblais romains qui n'avaient pas été remaniés, c'est le point le plus riche que nous ayons rencontré.

  Le Dr. Mayet et Mazenot revenus en 1935 ont constaté sur les parois de la grande salle l'existence des restes de brèche (ils ont disparu depuis) et la nature accidentelle de la couche noirâtre existant au bas de l’escarpement ; ils ont ouvert là deux tranchées de 3,50 m de profondeur sans rencontrer encore la couche préhistorique ; leurs trouvailles furent très minimes.

  M. Lafond est venu en 1945, au moment je crois où M. Veau faisait exécuter ses recherches d'eau. Dans la grotte elle-même, assez loin dans l’intérieur, il a rencontré deux emplacements très minimes où le sol ne semblait pas avoir été bouleversé et qui lui ont fourni un peu de moustérien et d'aurignacien. Dans le terrain, au pied de la grotte, il a creusé près du chemin et parallèlement à lui une tranchée qu'il a descendue à 6 m. et à cette profondeur, il y avait des débris d'amphores romaines. A l'est de la grotte deux sondages lui ont donné du magdalénien.

  Depuis, des fouilleurs clandestins ont creusé un trou dans la terrasse de la grotte. Cette terrasse n'avait été fouillée ni par Mazenot, ni par nous, car un sondage effectué en commun était tombé sur du terrain remanié et le propriétaire ne tenait pas a ce que nous entamions ce point d'arrivée à la grotte. Ces fouilleurs clandestins plus heureux que nous, sont tombés sur une couche qui devait être en place et n'avait jamais été touchée. Ils n'avaient pas rebouché leur trou et un hasard heureux ayant amené à la grotte M. de la Bussière, de Rimont, celui-ci a ramassé et sauvé une impressionnante série de lamelles très bien levées, longues, étroites et minces, sans aucune retouche, genre de pièces dont nous ne possédons que quelques fragments.

[Cet extrait du travail de l'abbé Guillard est suivi d'un long inventaire de plusieurs pages avec des descriptifs concernant les trouvailles (Faune et matériel osseux - Matériaux et outillages lithiques) qui n'est pas reproduit ici.]

Grotte de Culles -TrouvaillesGrotte de Culles -Trouvailles

  REMARQUE : Dans cet inventaire nous avons réuni aux silex de la grotte environ 25 autres ramassés dans une terre située un peu à l’est de la grotte. Nous avons cru pouvoir le faire parce que si ce petit gisement est localement distinct du premier, son matériel est identique, ne se différenciant que par une patine plus accentuée. Il faut reconnaître pourtant que sur les 10 armatures néolithiques il en a fourni 8.


TABLEAU RECAPITULATIF.

Pièces moustériennes et aurignaciennes.

Lames
112

Grattoirs 49

Perçoirs 31

Burins 30

Pointes 16

Racloirs droits ou convexes 16

Raclettes 8

Coches grandes ou moyennes


Racloirs concaves 8
plus une vingtaine sur des outils
Denticulés 5
plus de nombreux sur lames, etc.
Bifaces 3

Disques 2

Divers 17

Total

297

Pièces à rapporter

Au périgordien 3

Au solutréen 1

Au magdalénien 26

Au néolithique 10
probablement quelques pièces néolithiques ont été comptées avec les pièces aurignaciennes.
Total

40

Total général 337


CONCLUSIONS.

  Nous sommes en présence d'outillages appartenant à des industries fort différentes et s'espaçant sur des millénaires. Comme nos recherches se sont effectuées uniquement dans des déblais ou des terrains antérieurement bouleversés nous n'avons rencontré ni stratigraphie ni même de points où ces industries se trouvaient isolées les unes des autres. Il s`en suit que la typologie seule peut guider un classement; ce classement, nous n'avons pas tenté de le faire.

Nous nous bornerons à dire : Culles renferme un peu de levalloisien, du moustérien (bifaces, pointes, racloirs, etc.), de l’aurignacien typique (beaux carénés, lames retouchées, lames à larges coches, etc.), du périgordien (pointe Font Robert, pièces à bord abattu), des traces de solutréen, du magdalénien (lamelles étroites les unes sans retouches, les autres à bord abattu), du néolithique (pointes de flèches et aussi haches polies que nous savons avoir été trouvées par un ancien instituteur). Il nous semble que l'occupation la plus importante a été l’occupation moustérienne parce que comme nous l'avons expliqué, les silex de Landa devaient presque exclusivement appartenir aux couches anciennes, donc aux couches moustériennes et qu'ils étaient fort nombreux, des caisses, dit-on.

  Pour arriver à des conclusions plus précises, il faudrait examiner à Culles, les silex de M. Machuron, au Musée de Chalon les pièces données par MM. Lafond et Machuron, aux Facultés de Lyon les trouvailles de Mazenot et peut-être surtout à Rimont chez M. de la Bussière l’abondante et homogène série de lamelles étroites et sans aucune retouche.

  De nouvelles fouilles permettraient-elles de trouver autre chose que des pièces ayant échappé à l'attention des chercheurs ? Dans la grotte même, cela semble impossible; mais la petite terrasse située devant l'entrée de la grotte n'a pas dû être entièrement fouillée (Landa y a fait un simple sondage, et les fouilleurs clandestins n'ont pas dû la bouleverser entièrement), au pied de la grotte, la couche archéologique n'a jamais été atteinte sauf vers le pied de l’escarpement, mais elle est fort profonde. D'après Mazenot, qui y a ouvert une tranchée (peut-être pas assez profonde) le petit champ à l'ouest de la grotte ne renferme en profondeur aucun silex; par contre, des sondages effectués par M. Lafond à l'est de la grotte ont donné du magdalénien et se seraient montrés prometteurs, il est à souhaiter qu'il puisse bientôt continuer ces recherches.

Ajoutons que MM. Lafond et Machuron croient avoir rencontré dans la région de Culles des pierres à cupules et la pierre qu'on voit devant l'église pourrait bien être un petit menhir.


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