Histoire et histoires

Géologie


Carte géologique de Culles les Roches et ses environs

Carte géologique de Culles les RochesGéologie Culles les Roches

La géologie est une science complexe qui fait appel à un grand nombre de spécialités et qui exige de solides compétences. L'article de Jean Béguinot, consacré à la Bourgogne, a l'avantage d'être accessible à la majorité des profanes en la matière et de ne pas être rebutant.

Plus spécifiquement consacré à la géologie locale de Culles les Roches, vous pouvez vous procurer le livre de Bernard Veaux "Trésors et secrets de nos villages" dont un chapitre entier est consacré à la richesse géologique du village. Lui aussi s'est attaché à expliquer de manière simple et compréhensive -même si un minimum de technicité est indispensable en ce domaine- les bouleversements qui ont eu lieu au fil des siècles et qui ont façonné le relief si particulier de cette commune.


La variété des pierres employées pour la construction de l’église (granite rose, grès noir, calcaire blanc et jaune) témoigne de
la richesse géologique des lieux.


Pierres de l'église

Mur extérieur de la nef, côté Nord                   


Le Syndicat d'initiative de Culles les Roches a créé un parcours-découverte des paysages à partir de la géologie. Inauguré le 31 juillet 2016, ce circuit long de 6 km comporte 7 panneaux d'informations. Tous les détails sur le site "Géorama"







- Cet article, écrit par M. Jean Béguinot en 2003, est extrait du site de la Société d’Histoire Naturelle du Creusot (SHNC) -

‘‘Les pierres qui parlent’’

Aux temps heureux de la Bourgogne sous-marine ‘‘polynésienne’’
il y a entre 200 et 150 millions d’années…

Géologie
Partout, la côte bourguignonne, pourtant si souvent vigneronne, nous raconte une authentique histoire d’eau : la longue histoire de la Bourgogne sous la mer tropicale,à l’époque de "Jurassic Park". Grès, argiles ("marnes"), calcaires aux faciès si diversifiés, autant de roches différentes qui, chacune, nous conte une époque distincte, une étape particulière, au long de la grande saga de la "Bourgogne sous-marine", sous climat polynésien.

Une histoire, en définitive très simple et logique …

Après avoir vécu, il y a 300 millions d’années, une grandiose période de surrection montagneuse (une chaîne véritablement himalayenne), forgée par la titanesque collision de deux continents en dérive, la Bourgogne, ensuite aplanie par 50 millions d’années d’érosion, connaît, à l’inverse, un lent affaissement de la croûte terrestre, qui va progressivement attirer, puis maintenir, la mer en Bourgogne, pendant plus de 100 millions d’années !



 Grès, dépôts de gypse et de fer : le temps des plages et des lagunes il y a 220 millions d’années

Au début de l’invasion marine, la Bourgogne n’est, tout d’abord, que plages et lagunes. Plages et lagunes sableuses, puisque c’est en sable notamment, que l’érosion a réduit le rude granit des montagnes anciennes.
Ces sables de plages, ultérieurement consolidés en grès durs, témoignent de ces prémices de la longue phase marine.

De même, les gypses, qui par endroit accompagnent les grès, rappellent que régnait alors un climat vraiment tropical (la Bourgogne "croise" alors sous des latitudes sahéliennes, dérive des continents oblige).

Sous la canicule en effet, l’intense et continuelle évaporation concentrait et cristallisait, au creux des lagunes, les éléments dissous dans la mer dont notamment le gypse, mais aussi le minerai de fer, "mannes" qui devaient se révéler si bienvenues, 200 millions d’années plus tard, pour l’essor momentané de l’industrie locale.

Marnes épaisses et Calcaires à Gryphées arquées : le temps de la mer encore un peu trouble, il y a 190 millions d’années

L’affaissement continental ("subsidence") se poursuit ; par conséquent la mer s’installe désormais et s’approfondit ; corrélativement, les rivages s’éloignent. De sorte que, parmi les alluvions délivrées par les fleuves, ce ne sont plus désormais les sables, trop lourds et vite sédimentés, mais les argiles bien plus fines, capables de séjourner longuement en suspension dans l’eau marine, qui vont alimenter la sédimentation, au creux des fonds marins.

Selon les époques, les apports argileux sont :
· tantôt denses ; l’eau marine, alors très trouble, est peu propice à la faune coquillère et la sédimentation reste donc encore essentiellement détritique, argileuse (faiblement enrichie calcaire coquiller) : "marnes"
· tantôt plus légers ; l’eau alors moins trouble, devient propice au développement d’une vigoureuse faune coquillère, d’où sédimentation non plus détritique argileuse mais essentiellement calcaire : un véritable cimetière sous marin, pétri de milliards de milliards fragments de coquilles !
Cette faune, spécialement adaptée aux eaux encore un peu turbides, consiste principalement en grandes huîtres, extrêmement abondantes, les fameuses Gryphées arquées, qui caractérisent le célèbre calcaire à Gryphées.


Calcaires coralliens, récifs, atolls et lagons : voici venu le temps de l’eau marine parfaitement limpide,
de l’ambiance délicieusement polynésienne, il y a 180 à 140 millions d’années

La surface continentale, désormais vraiment tout à fait rabotée et plane, à force d’érosion, n’abandonne quasiment plus rien aux fleuves. Sauf épisodiques intermittences (génératrices de dépôts de marnes intercalés entre les couches de calcaire), la mer est, de ce fait, devenue parfaitement limpide.
Dès lors, le temps n’est plus guère aux huîtres mais à la faune – extraordinairement diversifiée et abondante – des espèces coralliennes de toutes sortes amies des seules eaux parfaitement transparentes (et chaudes). Voici la grande époque des échinodermes sociaux fixés, soit rassemblés en grandes prairies (tels les crinoïdes ou "lis de mer"), soit construisant de gigantesques édifices récifaux.
Grande époque également pour la faune itinérante, "pélagique", plus diversifiée encore, des gastéropodes et surtout des céphalopodes, dont les fameuses ammonites, sorte de "seigneurs" des mers, à l’instar de leurs contemporains terrestres, les dinosaures, avec lesquels d’ailleurs, elles partageront, au même moment, le même fatal destin !)

► Le calcaire "à entroques", cimetière des grandes prairies sous-marines de crinoïdes, il y a 175 – 170 millions d’années
Avec l’éclaircissement des eaux, les fonds marins se couvrent de véritables "prairies" de crinoïdes ("lis de mer"), lointains cousins des oursins mais dont l’allure et la fixité évoquerait plutôt des plantes. Formés d’un véritable légo de petits articles calcaires, ces animaux ont ainsi laissé des milliards et milliards et milliards de ces petits éléments ("entroques") qui, accumulés et soudés avec le temps, forment ces calcaires à structure granuleuse géométrique, calcaires à entroques.

► Les trois sortes de calcaires "coralliens", témoignages des récifs, atolls et lagons de la Bourgogne "polynésienne" , il y a 170 – 140 millions d’années
La faune de crinoïdes (et autres) s’avère si luxuriante, au sein de ces eaux claires et chaudes, que le cimetière marin s’épaissit plus vite que la croûte terrestre ne s’affaisse. De sorte que la profondeur marine diminue progressivement. Sur les hauts-fonds de pleine mer, peuvent dès lors s’établir et se construire continûment de vastes récifs coralliens.
Ces récifs forment aujourd’hui, par endroits, des masses de calcaires – dits calcaires récifaux ou "construits" – compacts et résistants (de ce fait, formant souvent falaises) où se reconnaissent souvent les fossiles en place de polypiers et madrépores (par exemple au niveau des falaises au dessus de Lys près Sassangy ou de Culles les Roches).

Au dessus des récifs, la lame d’eau restante, très peu profonde, s’enrichit de ce fait en calcaire dissous, qui bientôt atteint la saturation en raison de l’intense évaporation sous la canicule tropicale. Arrive alors ce qui se passe avec le sucre dans la tasse à café abandonnée dont le contenu s’évapore : la saturation en sucre finit par être atteinte puis dépassée et le sucre commence à cristalliser. Ici aussi, le calcaire dissous finit par cristalliser au sein des eaux et, comme celles-ci sont agitées régulièrement par les "alizés" de l’époque, cette cristallisation se manifeste par une dense suspension de milliards de petites billes de calcaire blanc.
Celles-ci viennent s’échouer en masse, à l’accore des bordures récifales, formant ainsi des plages plus ou moins circulaires, véritables atolls circonscrivant et emprisonnant des lagons, que nous visiterons plus loin.
Plages de pseudo-sable donc, d’une éclatante blancheur et d’une infinie douceur, comme on en trouve encore aujourd’hui, dans les mêmes conditions, en Polynésie ou aux Bahamas.
Consolidées avec le temps, ces plages d’atoll se reconnaissent aujourd’hui dans ces calcaires oolithiques, si fréquemment rencontrés, à cassure très finement et régulièrement grenue, aux grains sphériques évoquant un peu de tout-petits œufs de poisson (d’où leur dénomination), grains qui sont donc ceux là mêmes qui cristallisèrent entre deux eaux et se déposèrent en plages de rêve, quoique alors encore sans cocotiers ni vahinés.

Revenons à présent aux lagons qu’encerclent les plages de "sables" oolithiques. A l’abri de la houle, et plus encore soumise à l’évaporation intense, l’eau des lagons est sujette à une continuelle précipitation de fine particules de calcaire qui sédimentent constamment, formant comme une "bruine aquatique" permanente qui s’accumule au creux des lagons, formant une boue calcaire, épaisse et très fine.
Consolidée avec le temps, cette "pâte" donnera naissance à ces fameux calcaires de lagon – dit encore lithographiques, en raison de la grande finesse de leur structure, dont l’aspect se compare assez bien à celui de la levure de boulanger : c’est encore aussi, en terme de carrier, le faciès "comblanchien", si prisé comme pierre ornementale.

En résumé, les calcaires "polynésiens"
* calcaire à entroques, issu des prairies de crinoîdes ;
* et trio des calcaires coralliens : récifaux, oolithiques et de lagon, sont, de loin, les plus répandus en Bourgogne. Ils se succèdent en strates mêlées, parfois répétées, témoignant de l’instabilité relative de position des atolls et lagons, tout au moins à l’échelle de temps géologique, même si la situation d’ensemble polynésienne fut, elle, permanente pendant plusieurs dizaines de millions d’années. Avec toutefois quelques intermèdes de récurrence de la sédimentation argileuse, suite à des reprises momentanées d’érosion continentale.

Enfin, entre 140 et 65 millions d’années environ, une subsidence plus prononcée devait ennoyer définitivement les formations récifales, tandis qu’une nouvelle faune s’imposait, adaptée à cette mer plus profonde : faune surtout faite de minuscules êtres coquilliers, les foraminifères. De la sédimentation de ces myriades de myriades de microscopiques coquilles résulteront les épaisses couches de craie, que l’érosion a presque totalement balayée en Bourgogne mais que conserve encore, bien sûr, la Champagne voisine.


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