Histoire et histoires

La ligne ferroviaire "Saint Gengoux-Montchanin"

Crains qu'un jour un train ne t'émeuve plus


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Amis ferrovipathes

Ce site est consacré à Culles les Roches : le contenu le plus détaillé de cette page concerne donc la longueur de voie ferrée traversant ce village.
La deuxième page comporte exclusivement des plans afférents à la commune.

Octobre 2015 - Ajout d'une 3ème page sans lien avec Culles les Roches et la ligne ferroviaire : photos de la 241.P.17 lors de son passage en gare de Chalon sur Saône le 05/10/2015.


Le projet.

  En 1865, le Conseil Général avait ajourné le projet d'une voie ferrée de Cluny à Chalon avec embranchement de St-Gengoux ou Buxy vers Montchanin. Mais, en 1879, dans le cadre du 'plan Freycinet' qui devait aboutir à la création de 10000 km de voies nouvelles en France, celui d'une ligne tendant de Roanne à Chalon et à Montchanin est retenu.


 +  LA LIGNE DE CHALON-SUR-SAÔNE À POUILLY-SOUS-CHARLIEU ET ROANNE, AVEC EMBRANCHEMENT DE SAINT-GENGOUX À MONTCHANIN  +

 Déclarée d'utilité publique le 8 janvier 1874, classée dans le réseau d'intérêt général par la loi du 17 juillet 1879, cette ligne fut, à l'origine, un projet de chemin de fer d'intérêt local du conseil général de Saône-et-Loire. Ce dernier, devant son incapacité à le mener à terme, laissa à l'État le soin d'achever la construction de cette voie demandée vivement par la population.
 D'une longueur totale de 96 km, la ligne de Chalon-sur-Saône à Roanne a été ouverte à l'exploitation le 20 octobre 1888 pour la section de Chalon-sur-Saône à Cluny, le 1er mars 1889 pour celle de Clermain à Pouilly-sous-Charlieu et le 15 juin 1889 pour l'embranchement de Saint-Gengoux à Montchanin (27 km).
L'Etat et le Département prennent en charge l'infrastructure (terrassements et ouvrages d'art) tandis que le P.L.M., compagnie concessionnaire, apportera les équipements (rails, gares, etc.) et exploitera la ligne. Le coût global est évalué à près de 25 millions de francs.
 Il faut noter que, en marge du tracé définitif, d'autres propositions avaient été rejetées. Ainsi, en 1877, le projet d'une ligne desservant la vallée de la Guye et reliant Cormatin, Salornay et Genouilly n'avait pas eu de suite, de même qu'en 1881, le Conseil Général n'avait pas retenu l'infléchissement de la voie du Puley vers Montceau.


Description de la ligne.

Avant-propos : la notion de "lignes" utilisée par RFF et la SNCF est inexploitable pour le travail des passionnés et spécialistes en ce domaine. Ceux-ci ne parlent donc pas de la ligne St Gengoux-Montchanin, mais de la section de ligne Montchanin-Etiveau. Le sens de cette (section de) ligne est en effet pour eux inversé et change nos habitudes puisqu'ils ont établi une convention qui définit que :
- Le point origine du réseau ferroviaire français est la station souterraine RER de Châtelet les Halles, au coeur de Paris.
- Et que le sens des lignes, autant que faire se peut, se définit de Paris vers la province et les frontières.
Il ne sera pas tenu compte ici de ces précisions même si, sur une autre page de ce site, elles ont été adoptées en situant l'entrée du tunnel de Champagne sur la commune de Bissy sur Fley et sa sortie sur celle de Culles ...


La ligne,
à une seule voie et écartement standard (1,435 m), totalise 27 km et porte le N° 771 000 du réseau ferré national. A l'origine, la section de ligne Saint Gengoux-Etiveau était parallèle (et indépendante) à la ligne qui menait à Chalon sur Saône. Vers 1941, la voie de cette section est déposée et l'origine de la ligne est ainsi reportée à Etiveau avec la pose d'une bifurcation (une aiguille) sur la ligne de Chalon.

Ligne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin

Halte d'Etiveau avec les 2 voies respectives.



Shéma de la voie ferrée



Nous partons donc d'Etiveau (hameau de Saint Boil) à 244 m d'altitude. La voie tourne alors le dos au val de Grosne et s'engage assez rapidement sur le viaduc de Crainseny, puis atteint la gare de Culles. Elle s'engouffre ensuite sous le tunnel de Champagne, long de 1135 m.

Après le hameau de Champagne et un passage au pied de la roche de Bissy sur Fley, la ligne descend vers la Guye, traverse Maizeray et parvient à Genouilly.

Elle atteint ensuite le Puley et passe près du bourg de Saint-Micaud avant de se retrouver au pied de la butte de Montsarin. Le viaduc des Fiolles et celui de Montsarin franchis, la voie s'engage dans le tunnel de Poluzot, long de 740 m et coupe par la même occasion la ligne de partage des eaux océaniques et méditerranéennes. A la sortie du souterrain elle atteint 370 m, le point le plus élevé de son profil.

Après être passée à Saint Laurent d'Andenay la ligne n'aura plus qu'un obstacle à franchir : le canal du Centre. C'est par le biais d'un pont métallique qu'elle le fera, (il nous rappelle que le Creusot n'est plus très loin) au Pont Jeanne-Rose.

L'arrivée à Montchanin a lieu après un passage à proximité de la cité d'Avoise.







Profil de la ligne ferroviaire Saint Gengoux à MontchaninLigne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin

Le profil de la ligne et sa situation géographique.


Les travaux. Le tunnel et le viaduc

Les travaux démarrent en avril 1882. Pour la section qui nous intéresse (moins de 30 km), 3 viaducs, un pont métallique, 2 tunnels, une vingtaine de passages à niveau, des ponts et aqueducs ordinaires seront nécessaires à sa réalisation.


Tunnel de Culles les Roches. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin
Tunnel de Culles les Roches. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à MontchaninTunnel de Culles les Roches. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin

Plans de coupe (avec un refuge) et d'élévation du tunnel. Photo de la réalisation d'un tunnel vers 1885.



  Les travaux de terrassement se font avec les moyens de l'époque : pics, pioches, pelles, brouettes ... et wagonnets pour évacuer les déblais. On emploie régulièrement la dynamite pour forer les tunnels et son utilisation créera quelques accidents. Sur cette ligne, c'est la construction du viaduc des Fiolles qui coûtera la vie à un maçon de 48 ans qui fit une chute de 18 mètres depuis la deuxième arche.
 A Culles les Roches, le percement du tunnel de Champagne donnera du fil à retordre aux maîtres d'œuvre : on doit canaliser la source de la petite rivière "la Mouille". Le tunnel sera cependant noyé par une nappe d'eau et une partie s'effondrera ensuite malgré les coffrages.
 Au printemps 1885 le tunnel est fini et ce sont les piles du viaduc de Crainseny qui se couvrent alors des cintres nécessaires à la confection des voûtes.

 
Viaduc de Crainseny à Culles les Roches. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à MontchaninViaduc de Crainseny à Culles les Roches. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin

Technique de construction des viaducs.

Photo de droite : Comme celui de Culles, ce viaduc situé près de Pau a 16 arches et est en courbe


Le viaduc de Crainseny, d'une longueur de 228 mètres (entre les culées) et avec une courbe de 400 mètres de rayon, comporte 16 arches en plein cintre de 12 mètres d'ouverture. Sa hauteur est d'environ 23 mètres au point le plus haut.
Il surplombe un chemin de desserte dont le passage a été aménagé sous la 10ème arche (en partant du côté Etiveau).
Toujours côté Etiveau, la culée et les 6 premières piles sont sur le rocher. En direction de Culles, les 9 autres piles et la culée ont leurs fondations dans la terre argileuse à une profondeur de près de 3 mètres.
Les pierres utilisées pour la réalisation du viaduc proviennent des carrières de Saint-Martin-Belle-Roche, Villebois et Culles.



Plan du viaduc de Crainseny à Culles les Roches

Plan du viaduc de Crainseny (archives municipales)



Passage à niveau du chemin de desserte à Culles les Roches

Plan du passage à niveau au point 2 100 00 du chemin de desserte à Culles (archives municipales)

Deux passages à niveau ont fonctionné sur la commune. Celui figurant sur ce plan était situé dans les bois non loin du viaduc. On peut imaginer que l'activité en ce lieu n'a pas été très importante.
Comme toutes les maisonnettes de garde-barrières, celle-ci était dotée d'un puits à proximité et d'un jardin.
Elle a été vandalisée après l'abandon de la ligne puis détruite dans les années 1990.

L'autre maisonnette surveillait la route de Saint Gengoux. Vendue à des particuliers et actuellement habitée, son architecture traditionnelle a été un peu modifiée.



Commune de Culles. Ligne St Gengoux Montchanin. Plan d'un aqueduc dallé type

Plan d'un aqueduc dallé type


La construction de sept aqueducs a été nécessaire sur la commune de Culles.
On peut aujourd'hui encore observer la très belle qualité de réalisation de ces ouvrages.


Exploitation.

 La plate-forme sera livrée en octobre 1887 au P.L.M. qui commence alors la pose des rails. Le premier train circulera deux ans plus tard, le samedi 15 juin 1889, comme le rapportent les journaux de l'époque.

Viaduc de Crainseny à Culles les RochesGare de Culles les Roches

Cartes postales du viaduc de Crainseny et de la gare



  A l'origine la desserte était assurée par trois trains omnibus comprenant services voyageurs et marchandises. Il fallait environ une heure pour aller de St-Gengoux à Montchanin.
Indicateur Chaix. Ligne ferroviaire Saint Gengoux à Montchanin
"La poésie se fait dans les gares, ces temples d'une nouvelle poétique. Ce sont les ports de nouvelles partances qui se font au rythme régulier des boggies et dans la souple énergie des voies ferrées. Le chemin de fer trace sur le globe de merveilleuses routes dont le but est moins la découverte que la fuite de soi. L'errance est balisée par l'indicateur Chaix."
(Les années de la Belle Epoque: 1890-1914 - J.J. Lévêque.)




En 1937, alors que la S.N.C.F. avait repris l'exploitation, il ne subsistait que deux parcours journaliers. L'année suivante c'est l'autobus qui assurait le service des voyageurs.
La voie, franchissant la ligne de démarcation entre zone libre et zone occupée, cessera d'être exploitée dès 1941 entre Genouilly et Montchanin. Une nouvelle voiture voyageurs est alors associée à la navette marchandises qui ne circule plus que quelques jours par semaine entre St-Gengoux et le Puley où la gare est finalement fermée en 1943.
Après la guerre la voiture voyageurs sera définitivement supprimée au profit d'un service routier entraînant la suppression de la gare de Culles en 1948.
Quelques trains de marchandises desserviront encore Genouilly jusqu'à la fermeture définitive de la ligne le 7 avril 1969.
 
Après la dépose des voies, la plate-forme sera remise aux Domaines et aux communes alors que gares et maisons de garde-barrières seront vendues à des particuliers.

On peut noter aujourd'hui qu'une partie des emprises a été utilisée pour la construction de la ligne Combs la Ville - Saint Louis (LGV).





-La ligne ferroviaire de Montchanin les Mines à Saint Gengoux le National est détaillée sur le site de Thierry Père ainsi que sur celui de Gilbert Gillet (et T. Père)

-Des caractéristiques et les principales dates : Histoire de lignes oubliées.

-Le tunnel de Champagne. Cette fiche est extraite du site I.T.F.F. (Inventaire des tunnels ferroviaires français). Ma participation à l'élaboration de cette fiche permet de répondre à un éventuel questionnement des lecteurs : "Les Tâches" est le nom du lieu-dit à Etiveau où se trouve précisément la bifurcation, d'où l'appellation surprenante ici de cette section de ligne "Montchanin - Les Tâches".

-Un livre très documenté traite de la naissance des lignes de chemin de fer dans le département : Le Temps des Trains entre Saône et Loire.
Auteurs : Gérard Magnien et Jean-Claude Bas. Editions La Taillanderie.




Aujourd'hui, à Culles les Roches.


Viaduc de Crainseny à Culles les Roches

Viaduc de Crainseny - Automne 2013


Arrivée sur le viaduc de Crainseny côté Culles les RochesPorte du tunnel de Champagne côté Culles les Roches
G.  La courbe qui précéde celle du viaduc a été brisée par 2 tas de terre et des blocs de pierre auxquels on a adjoint 2 oreilles bleues et blanches.
 Bien qu'aucun accident ni incident n'ait eu lieu depuis la dépose des voies en 1980 (
quelques véhicules empruntaient ce chemin - et s'y croisaient même parfois !) les municipalités ont décidé de réserver l'usage de la voie aux cyclistes et aux piétons en mettant en place cet agencement, aussi subtilement laid qu'efficace.

D.  Le tunnel ferroviaire de Champagne : après avoir été transformé en champignonnière où se sont succédés 4 locataires de 1983 à 1997 (voir ici), celui-ci accueille aujourd’hui les bouteilles de vin des vignerons de Buxy et de Saint-Gengoux le National. La cave coopérative a signé avec la commune de Culles les Roches un bail emphytéotique de 27 ans à dater du 01-07-1998.

Extrait du site internet de la cave des vignerons de Buxy :

.../...
"Il s’agit d’un ancien tunnel ferroviaire, d’une profondeur de 680 mètres, creusé dans la roche calcaire, au cœur de la Cote Chalonnaise. Les critères fondamentaux nécessaires au vieillissement du vin sont réunis dans ce lieu impressionnant, étonnant : température constante de 12°C, hygrométrie à 85% et le silence ...   Nos vins ne pouvaient rêver de plus bel écrin pour se bonifier avant d’être dégustés."

NB.  La partie louée par la cave de Buxy a certainement une 'profondeur de 680 mètres' mais la longueur totale du tunnel est de 1135 mètres.  - Quant à la roche calcaire ...  ?


Production de champignons. Tunnel de Champagne
Janvier 2018

La cave de Buxy qui ne stocke plus de bouteilles dans le tunnel a accepté de sous-louer les lieux à de nouveaux exploitants. Le tunnel retrouve ainsi l'utilisation de ses premiers locataires après la fermeture de la ligne, la production de champignons.






Aujourd'hui, ailleurs.


 Dans quelques régions de France on a fait un choix différent (et judicieux !?) : celui de ne pas déposer les voies.

Trois images, un article de Wikipédia et deux vidéos pour présenter une option qui aurait pu être envisagée ...
Vélo-railVélo-railVélo-rail
"Une cyclo-draisine, ou vélo-rail, ou rando-rail, est une sorte de draisine, c'est-à-dire un véhicule ferroviaire léger, propulsé par la force musculaire de ses occupants. Une cyclo-draisine est équipée de pédaliers comme une bicyclette, d'où son nom. Cela en fait une activité ludique ou sportive, touristique, permettant de découvrir une région et ses paysages, des ouvrages d'art tels que ponts, viaducs ou tunnels depuis un point de vue unique : celui d'une ancienne voie ferrée.
Un ou plusieurs passagers prennent place sur des selles pour les personnes qui pédalent, et éventuellement sur des sièges pour celles qui ne pédalent pas, ce qui rend la machine accessible à tous, en particulier aux personnes handicapées.
Il existe en 2011 une quarantaine de réseaux de vélorail répartis sur le territoire français. Beaucoup se sont regroupés pour former une fédération, la fédération des vélos-rail de France, qui participe au développement du tourisme local et à l'établissement des règles de sécurité liées à l'activité."


On parle aussi de la préservation du patrimoine à la télévision : Reportage
En Ardèche, un autre reportage


  ... Nous n'aimons pas assez la joie
    De voir les belles choses neuves
    Ô mon amie hâte-toi
    Crains qu'un jour un train ne t'émeuve
        Plus
    Regarde-le plus vite pour toi
    Ces chemins de fer qui circulent
    Sortiront bientôt de la vie
    Ils seront beaux et ridicules ...

    ... La rue où nagent mes deux mains
    Aux doigts subtils fouillant la ville
    S'en va mais qui sait si demain
    La rue devenait immobile
    Qui sait où serait mon chemin
    Songe que les chemins de fer
    Seront démodés et abandonnés dans peu de temps
    Regarde
    La victoire avant tout sera
    De bien voir au loin
    De tout voir
    De près
    Et que tout ait un nom nouveau

La victoire. (Extraits) G. Apollinaire.


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